L’objectif de ce texte (et du podcast disponible à cette adresse) est d’inviter à la réflexion et au débat en pointant les avantages et inconvénients des notions de « politique » et de « politisation » dans le travail social, en partant de l’article de Maxime Chaffote « Comment repolitiser le travail des éducateurs spécialisés ? », qu’il m’a envoyé il y a quelques jours. Afin de dépasser les ambiguïtés de la « politisation » dans le travail social, je tenterai également de proposer une autre optique à débattre collectivement : l’éthique de la démocratisation réelle. Celle-ci permet de commencer à envisager à quelles conditions on peut parler de militantisme et d’engagement dans le travail social, et donc de pratiques professionnelles émancipatrices. Les passages en gras dans le texte ci-dessous constituent une version abrégée de celui-ci, que j’utiliserai dans la version « podcast ».
Citer cet article : Jonathan Louli, 27 avril 2020, « Comment démocratiser le travail social ? », sur Pages Rouges et Noires, en ligne.
Version PDF du texte disponible ici (15 pages : version du 24-07-2020)
Version PDF abrégée et podcast audio / vidéo disponible ici (6 pages / 20 minutes : version du 01-05-2020)
« Il est faux que la misère sociale engendre l’intelligence politique ; tout au contraire, c’est le bien-être social qui produit l’intelligence politique. L’intelligence politique est une spiritualiste, et elle est donnée à celui qui est déjà fortuné, à celui qui a déjà les pieds au chaud »[1]
Karl Marx
- Introduction générale
Diplômé de sociologie et d’anthropologie, j’ai travaillé depuis une petite dizaine d’années comme animateur puis éducateur et formateur, tout en passant par le militantisme syndical et par Nuit Debout. Depuis avril 2020 je suis salarié d’une coopérative d’activité au sein de laquelle je développe une activité autonome de « chercheur-praticien en travail social et sciences sociales » (infos sur mes activités et « prestations » accessibles en cliquant ici).
Dans mon parcours, j’ai souvent croisé des collègues et des camarades qui déploraient la « dépolitisation » de notre secteur professionnel, la baisse de la « conscience politique », du militantisme, de l’engagement : pour beaucoup, il faudrait « repolitiser » le travail social pour redonner du sens à notre activité et ainsi garantir qu’elle soit vraiment émancipatrice. Ce type de discours m’a toujours laissé un peu sceptique et mal à l’aise, pour différentes raisons, la principale étant le flou complet et l’ambiguïté du concept de « politique ».
Le concept de « politique » peut renvoyer à une « science du gouvernement » et du pouvoir, ou, comme disaient les Grecs, politikè[2]. En ce sens il peut évoquer l’ensemble des luttes concrètes visant à défendre une vision du monde engagée, située, impliquant la conquête d’un certain pouvoir en vue de mettre en application cette vision. Certains considèrent même que le principal pouvoir se trouvant dans les appareils d’État, la politique se résumerait en fait à conquérir ou influencer les appareils d’État. On dit parfois dans cette optique : « Occupes-toi de politique avant que la politique ne s’occupe de toi ». Le concept de « politique » peut également renvoyer à la façon dont les membres de la société sont impliqués, qu’ils le veuillent ou pas, dans les « choses publiques », dans les affaires communes. Cet écho du concept de « politique » évoque donc plutôt ce qui « concerne l’ensemble des citoyens ou la vie collective de la cité », ou, en grec, politikos, qui vient directement de polis, c’est-à-dire « cité ». On résume parfois en disant : « politique est ce qui concerne tout le monde, et ce qui concerne tout le monde, est politique ».
En employant le concept de « politique » on peut donc mettre l’accent sur la stratégie, la conflictualité, les engagements pratiques, ce qui fait généralement apparaître une confusion entre activités militantes, luttes politiques, luttes politiciennes… Mais on peut également mettre l’accent, au contraire, sur ce qu’il y a de commun, ce qui rassemble tous les citoyen.ne.s d’une polis, d’une cité, comme on l’observe quand on parle de « régime politique » par exemple. En ce dernier sens, « politique » comporte un risque de confusion avec « démocratie » ou « république », alors que ces notions sont bien distinctes : une dictature est une façon spécifique d’organiser « la vie collective de la cité ».
Le concept de « politique » peut donc renvoyer à une diversité de phénomènes : à un extrême il peut évoquer une volonté délibérée de s’engager, de militer : on fait le choix d’agir politiquement, ou par exemple, on peut déplorer la « dépolitisation » lorsque de moins en moins de gens font ce choix. À un autre extrême, le concept de « politique » peut évoquer le fait que nous appartenons tous et toutes à la même communauté, nous sommes toutes et tous des « animaux politiques » et, qu’on le veuille ou pas, tout ce qu’on fait a donc une dimension politique, depuis notre consommation jusqu’à nos loisirs en passant par notre sexualité ou le rapport entretenu avec autrui : en ce sens tout est politique. Entre ces deux extrêmes, il y a de multiples graduations, de multiples significations : « programme politique », « économie politique », « politique sociale », « sciences politiques »… Il y a donc, on le voit bien, un effort de précision à avoir constamment lorsqu’on emploie le concept de « politique », au risque de tomber dans une grande confusion, et de rendre contre-productif l’usage de ce concept.
C’est pourquoi j’étais content que Maxime m’envoie son article, publié en 2014 alors qu’il était formateur à l’IRTS PACA-Corse, d’abord parce que c’est un texte qui propose des pistes de réflexion très intéressantes, on m’avait déjà conseillé sa lecture, et il suscite toujours une certaine attention de la part des collègues et des camarades, comme on le voit sur les réseaux sociaux. C’est pourquoi, vu les débats qui traversent le travail social, surtout en ce moment, je trouvais important et enrichissant de rebondir sur cet article, afin de préciser des conceptions que l’on peut avoir en commun, et qui peuvent s’avérer utiles à nos collègues, étudiants et camarades. Mais l’objectif de mon texte est également de montrer que le propos de Maxime illustre, par moments, la confusion dans laquelle risque de nous faire tomber le concept de « politique » et que de ce fait, en appeler à la « conscience politique » des collègues ça ne fait pas tout ! Comme j’essaierai de le justifier, selon moi la question la plus pertinente, en dernière analyse, ne serait donc pas comment politiser mais comment démocratiser le travail social.
- Postulat de départ : « le travail social est en soi un acte politique»
Je vais d’abord présenter les idées centrales de Maxime, qui nous aideront à cerner les définitions de « politique » et donc de « politisation », qu’il utilise, et à partir desquelles je rebondirai. Le postulat de Maxime apparaît noir sur blanc dès le premier paragraphe de la première partie :
« Le travail social est en soi un acte politique. En effet, si l’on considère les travaux de Jeannine Verdès-Leroux, le travail social est une invention autant qu’un outil au service de la classe dominante dont la fonction principale consiste à garantir la paix sociale et l’ordre moral, nécessaire au bon fonctionnement du mode de production capitaliste. Le Travail Social n’existe donc pas dans les autres formes historiques de rapports de production et l’on peut penser qu’il est amené à disparaître en même temps que le capitalisme puisqu’il n’a d’utilité que pour cette seule forme d’organisation des affaires de la cité. »
Il faut bien s’arrêter sur ce postulat, qui donne deux indications fondamentales sur la façon dont Maxime définit « politique » et « travail social ». La définition qu’il propose du « Travail Social » (avec des majuscules), est restrictive : il s’agirait d’un secteur délimité, inventé par « la classe dominante » dans le cadre du « mode de production capitaliste ». Le « Travail Social » aurait donc vu le jour avant tout comme un « outil » d’intervention de cette « classe dominante » dans certaines affaires publiques (enfance, classes pauvres, handicap…), comme le présente Maxime dans la partie historique de son article. D’emblée, il est nécessaire d’apporter une correction à cette définition : l’idée que le « Travail Social » est en soi lié au capitalisme et qu’ils disparaîtront ensemble est une idée reçue, contredite par exemple par l’histoire du travail social en Europe de l’est[3]. Après 1917, la tyrannie bolchevik en Russie a étatisé la protection sociale et développé des services sociaux, certes médiocres, principalement à direction des travailleurs et travailleuses, tout comme en Estonie et en Roumanie. La Pologne qui est accaparée par la tyrannie stalinienne après la Seconde Guerre Mondiale connaît elle aussi un développement du travail social, cependant, pas aussi fort que celui que connaît la République Tchèque après le Printemps de Prague de 1968 et l’élan du « socialisme à visage humain » (ibid., p. 219-220). De la même façon, le régime cubain s’est doté dès 1978 d’une Société Cubaine des Travailleurs Sociaux et de la Santé (Sociedad Cubana de Trabajadores Sociales de la Salud [SOCUTRAS]) qui participe encore actuellement aux réflexions nationales et internationales sur le travail social[4], et a accueilli le 8ème Congrès international du travail social en juin 2017, qu’elle a d’ailleurs « dédié à Fidel ».
En un mot, un des premiers éléments qu’il faut garder en tête selon moi c’est que certes le travail social est indirectement l’instrument des intérêts des classes dominantes (non pas de « la classe dominante »), dans la mesure où ce sont elles qui le règlementent et décident de ses financements à travers l’influence qu’elles ont sur les appareils d’État. Cependant, les classes dominantes ne se limitent pas à la bourgeoisie capitaliste, elles sont composées de différents groupes sociaux avec des intérêts qui peuvent être divergents. Par exemple, à l’époque où le travail social commence à se structurer, grosso modo sous la Troisième République dans le dernier quart du XIXème siècle, il y a des luttes de classes entre monarchistes, intégristes catholiques, députés républicains ou socialistes, catholiques sociaux… qui tous font partie des classes possédant un pouvoir économique ou politique, et qui tous ont leurs propres intérêts[5].
Certes, le travail social est indirectement instrumentalisé par des groupes sociaux défendant des intérêts de classes purement capitalistes et marchands ; mais aussi et surtout par des castes politiciennes aux idéologies diverses, appuyées sur différents échelons d’administration (État central, départements, communes…) suivant des rationalités, des logiques politiciennes ou bureaucratiques hétérogènes entre elles et différentes de la pure logique capitaliste. Il faudrait également ajouter l’instrumentalisation du travail social par les différents échelons du pouvoir ecclésiastique, directement investi dans les « œuvres sociales » des siècles précédents. Si dès son émergence à la fin du XIXème, le travail social est dépendant des pouvoirs qui le financent et le réglementent, il est pour autant trop réducteur de considérer qu’il est un simple outil de la bourgeoisie capitaliste. Le travail social n’est directement l’instrument que des appareils d’État et des politiques publiques qu’ils portent, et par conséquent, il n’est qu’indirectement l’instrument des groupes sociaux qui peuvent influencer le fonctionnement de ces appareils d’État – parmi lesquels les intérêts de la grande bourgeoisie capitaliste peuvent peser lourd, mais sont loin d’être les seuls en jeu.
En ce sens, il peut effectivement sembler cohérent de considérer que « le travail social est en soi un acte politique », comme dit Maxime, dans la mesure où le travail social est utilisé comme un instrument par des groupes influençant les appareils d’État afin d’intervenir sur certains aspects des « affaires de la Cité ». Autrement dit, le travail social est en soi instrumentalisé politiquement. Que les intérêts qui influencent cette instrumentalisation en influençant les appareils d’État eux-mêmes soient des intérêts marchands, politiciens, bureaucratiques, religieux[6] ou autres, ne change rien au fait que le travail social en tant que secteur délimité est avant tout encadré par les politiques publiques et n’est donc directement instrumentalisé que par les appareils du régime politique. Par conséquent, il me semble également cohérent de considérer, comme l’explique Maxime, que les éducateurs et éducatrices ont différentes « formes d’engagement » selon les différentes périodes de l’histoire de leur métier, étant donné qu’ils et elles sont formés, formatés, instrumentalisés, de différentes manières en fonction des intérêts des multiples groupes qui ont une influence politique aux différentes époques (ce que Maxime appelle les différents « contextes politiques »). C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la première partie du texte de Maxime que de présenter ces différentes séquences historiques de la construction du métier d’éducateur ou éducatrice spécialisé.
- Ambiguïté du « positionnement politique »
Mis à part quelques détails d’interprétation, je ne vois rien à ajouter à la claire et passionnante généalogie du métier d’éducateur ou éducatrice que fait Maxime. Mais l’ambigüité que je signalais en introduction autour du concept de « politique » survient assez rapidement. On la sent notamment lorsque Maxime présente les conséquences de Mai-68 dans le travail social, observant :
« Cette figure moderne du travailleur social militant perdure jusqu’aux débuts des années 2000 et bénéficie d’un soutien fort de la part des pouvoirs publics durant toute l’ »ère Mitterrand » (…) L’engagement des éducateurs spécialisés dans cette profession devient donc prioritairement une question de positionnement politique. C’est à partir de cette période que le travail social se revendiquera, du point de vue des opérateurs de terrain, très massivement dans une mouvance de gauche, voire d’extrême gauche »
Maxime a expliqué dès le début du texte et tout au long de la première partie que depuis le XIXème jusqu’en Mai-68 le « travail social est en soi un acte politique », et que de ce fait l’engagement des professionnels prend toujours différentes formes selon les « contextes politiques ». J’ai donc du mal à suivre l’idée qu’à partir de Mai-68 l’engagement « devient une question de positionnement politique ». Les travailleurs et travailleuses sociaux ont toujours été instrumentalisés politiquement, ils et elles ont toujours été mis dans une certaine position (comme des instruments) par les appareils d’État, ils ont toujours été positionnés politiquement. En un mot, l’engagement des éducateurs et éducatrices a donc toujours été « prioritairement une question de positionnement politique » ! Il faut alors tenir compte de la précision de Maxime selon laquelle à partir de Mai-68 les éducateurs et éducatrices s’engagent dans le travail social en référence à des positions idéologiques relevant d’« une mouvance de gauche, voire d’extrême gauche ». De ce fait, « politique » nous met dans une certaine confusion, puisqu’ici il renvoie en fait au positionnement partisan, aux engagements militants au nom d’une certaine vision du monde, et ne renvoie pas à l’instrumentalisation politique, au positionnement fait par les appareils d’État. Mais une confusion émerge à nouveau autour du concept de « politique », puisque, Maxime le démontre lui-même, l’engagement des éducateurs ou éducatrices s’est toujours fait au nom d’une idéologie : scoutisme, catholicisme social, philanthropie, solidarisme, républicanisme… L’affirmation selon laquelle à partir de Mai-68 l’engagement des éducateurs et éducatrices « devient donc prioritairement une question de positionnement politique » est donc difficile à suivre pour moi en raison de l’imprécision portée par le concept de « politique ». L’ambigüité et le flou autour de ce dernier apparaît à nouveau à la fin de l’historique présenté par Maxime :
« Dépourvues de leur dimension d’engagement politique ou niées dans la reconnaissance de celle-ci, les professions du social ne peuvent vivre cette période contemporaine que sous la forme d’une crise profonde du sens de leur action. De nombreux professionnels sont exposés à l’injonction paradoxale de missions qu’ils vivent comme dépourvues de sens car ne prenant pas en compte leur contribution aux affaires de la cité, c’est-à-dire leur engagement politique dans ces métiers. Cette négation d’une part historiquement essentielle dans la construction des métiers du Travail Social conduit de nombreux professionnels à de véritables situations de souffrance au travail »
Encore une fois, un rapide coup d’œil à l’histoire semble démentir cette idée d’un manque de « reconnaissance » de l’engagement politique des travailleuses et travailleurs sociaux, c’est-à-dire l’idée que « leur contribution aux affaires de la cité » serait mal reconnue. En effet, quelques mois après la publication de l’article de Maxime ont été lancés les États Généraux du Travail Social : dans les discours officiels, et encore plus depuis les attentats de 2015 et la montée des débats sur la « radicalisation », le travail social est fortement embrigadé au service des « valeurs républicaines », certains ministres et hauts fonctionnaires vantant même « l’engagement » des professionnels ! Il faut à ce titre relire l’allocution qu’a fait Manuel Valls, alors Premier Sinistre, en septembre 2015, le jour où la députée Brigitte Bourguignon lui a remis son rapport justement intitulé « Reconnaître et valoriser le travail social ». Notre Manu national, s’imaginant parler directement aux travailleuses et travailleurs sociaux, illustrait alors parfaitement la logique de l’instrumentalisation politique mise en œuvre par les appareils d’État sous le commandement des ministres du Parti Socialiste, au service de divers intérêts :
« Vous êtes, en un mot, des femmes et des hommes – des femmes, en majorité ! – de convictions, engagés, passionnés. On ne devient pas travailleur social par hasard. C’est la marque d’une envie d’être utiles aux autres, de porter cette belle idée de solidarité sans laquelle nos sociétés perdraient leur âme (…) Vous faites vivre aussi nos valeurs républicaines de fraternité, en recomposant les liens familiaux, professionnels, amicaux de ceux que vous accompagnez ; d’égalité, en vous assurant que chacun de nos concitoyens ait accès à ses droits. Vous faites vivre, enfin, la citoyenneté, en reliant ceux que vous accompagnez à la vie de la cité. (…) Ces mesures que nous prenons en faveur du travail social ne seront efficaces que si elles s’inscrivent dans une démarche d’ensemble pour lutter plus efficacement contre les inégalités et donner à chacune et chacun les mêmes chances de s’épanouir. Il s’agit, au fond, d’agir en amont et de mobiliser la société aux côtés des travailleurs sociaux pour mieux anticiper et prévenir les difficultés (…) Vous êtes l’illustration du modèle social français ; un modèle qu’on nous envie partout ; un modèle nourri de nos valeurs et des idéaux de la Résistance. Ce modèle, il faut sans cesse le renforcer, l’adapter, pour qu’il reste au plus près des attentes de la société française »
Difficile de dire que l’engagement politique du travail social n’est pas reconnu à travers ce discours ! Et cela n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres : l’idéologie déployée dans l’allocution de Valls est également à l’œuvre dans le « rapport Bourguignon », ainsi que dans de nombreux documents émanant des États Généraux du Travail Social, et notamment dans le « rapport Thierry », qui proposait, quelques mois après le rapport Bourguignon, de renforcer le rôle du travail social dans la lutte contre le racisme et le sexisme (rôle politique, donc), de favoriser l’engagement citoyen (l’engagement politique, donc), développer la propagande républicaine – enfin je veux dire la « formation » des professionnels (une forme de conscience politique, donc)… Au moment du rendu de ce « rapport Thierry », en 2016, la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, et la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, Ségolène Neuville, affirmaient d’ailleurs, sur un registre pour le moins performatif, que les travailleurs et travailleuses sociaux « sont parfaitement conscients de leur rôle dans la transmission des valeurs républicaines ».
Dans la citation que je restitue ci-dessus, Maxime termine par ailleurs en disant que le manque de reconnaissance de l’engagement politique crée de la souffrance au travail. Est-ce que la repolitisation à la sauce sociale-républicaine initiée sous Hollande a atténué ces souffrances en question ? Bien sûr que non : les discussions, les articles voire les rapports publics[7] sur la « crise » du travail social ou le « malaise » des professionnel.le.s sont aussi nombreux ces derniers temps. C’est que l’explication de ces souffrances au travail est pour moi plus complexe qu’une simple question d’« engagement politique » mal reconnu. Tout d’abord, parce que, il ne faut pas oublier que la propagande gouvernementale emporte l’adhésion d’un certain nombre de travailleuses et travailleurs sociaux, qui voient dans cette idéologie républicaine un vecteur de sens et de repolitisation. Certains collègues ayant assisté à l’allocation de Valls évoquée ci-dessus en octobre 2015 ont estimé que ce dernier semblait « plutôt bien maîtriser le sujet » parce qu’« il a insisté sur les valeurs du travail social, de fraternité, d’égalité et de citoyenneté »[8]. Il est incontestable qu’un certain nombre de collègues adhèrent aux différentes tendances idéologiques des partis qui se succèdent au gouvernement et y trouvent du sens : souffrent-ils/elles réellement d’un sentiment de déni de reconnaissance de leur « engagement politique » ? Pour tous les collègues politiquement conformistes (et il doit y avoir davantage que des contestataires, sinon ça se saurait !), c’est-à-dire pour tous les collègues en accord avec le contexte politique tel que paramétré par les différents intérêts des groupes dominants, comment expliquer la souffrance au travail ?
Depuis les attentats de 2015, il y a une instrumentalisation politique claire, délibérée, affirmée dans des discours et des rapports, au service des « valeurs républicaines » prônées par le président, les ministres, et toute la « cascade » des fonctionnaires qui relaient leurs directives. Il semble désormais difficile de dire que notre secteur n’a pas été confronté par les dirigeants à son implication politique, à son lien au système républicain et à sa contribution à la « cohésion sociale » et à la « vie de la cité », comme disait Manuel Valls dans son allocution d’octobre 2015 ! Il semble a priori difficile de dire que le travail social est dépolitisé… Ce qui a l’air d’une contradiction n’en est pas vraiment une, car, on l’aura compris, les discours politiciens vantant l’engagement des professionnel.le.s, les rapports publics détaillant leur importance pour la propagation des « valeurs républicaines », les plans d’action revendiquant leur place centrale dans la sauvegarde de la « cohésion sociale », etc., ne pèsent rien s’ils ne sont pas suivis d’une intervention concrète sur les conditions matérielles de travail et sur les moyens alloués aux travailleuses et travailleurs sociaux et aux établissements !
De ma propre expérience de chercheur et praticien en sciences sociales et travail social, j’ai observé que l’engagement politique des professionnel.le.s, bien reconnu ou pas, est rarement la première cause de souffrance au travail. En effet, avant même d’avoir le loisir de spéculer sur le sens et le « positionnement politique » de leur métier, la plupart des travailleurs et travailleuses doivent avant tout se démener face à des conditions matérielles de travail et d’existence déplorables : surmenage, burn-out, sous-effectifs, conflits hiérarchiques, piétinement du droit du travail, coupes budgétaires, travail à la chaîne, travail en flux tendu, inflation des activités informatiques et gestionnaires, exploitation, salaires de misère, etc. Telles sont les sources concrètes, immédiates, de la souffrance au travail. Elles peuvent effectivement impliquer, à un second degré de lecture (quand il est psychiquement possible de l’avoir), des questionnements sur le sens du travail. Mais, me semble-t-il, beaucoup de collègues sont tellement « le nez dans le guidon », submergé.e.s de travail, ou impuissant.e.s en raison des moyens matériels misérables qui leurs sont alloués, qu’ils et elles n’ont même pas le temps ou l’énergie de se questionner sur les dimensions politico-morales de leur activité. Plus que les aléas de la politisation, c’est l’industrialisation du travail social qui fait souffrir, concrètement, physiquement, jusque dans la chaire des collègues qui sont rendus malades par le stress et les insomnies dus à la surcharge de travail ou à l’impossibilité de bien faire vus les moyens dérisoires qui leur sont accordés. Les conditions intellectuelles ou politiques ne blessent qu’indirectement, et uniquement en fonction de leur impact sur la réalité matérielle, mais c’est bien cette réalité matérielle dégradée qui fait directement et immédiatement souffrir.
- Conclusion sur la généalogie historique du métier d’éducateur ou éducatrice
Nous avons vu jusqu’ici que le travail social apparaît comme un instrument des différents groupes sociaux qui dominent aux différentes époques et aux différents échelons de la prise de décision politique, en ceci qu’ils sont capables d’imposer leurs différents intérêts aux appareils d’État qui financent, réglementent, et encadrent le travail social, ces appareils d’État permettant par leur propre biais aux groupes sociaux dominants d’intervenir sur certaines « affaires de la Cité », considérées comme des problèmes sociaux. En d’autres termes : le travail social est instrumentalisé politiquement par les groupes qui influencent le plus le fonctionnement des appareils politiques. Comme le fait observer Maxime, cette instrumentalisation produit une certaine forme d’« engagement politique » des travailleurs et travailleuses sociaux, qui sont positionnés malgré eux dans un certain « contexte politique », c’est-à-dire qu’ils et elles sont engagés, impliqués, dans une certaine définition des problèmes sociaux et des solutions envisagées, et ces paramètres sont totalement indépendants de leur volonté.
Suivant le raisonnement proposé par Maxime, il ne serait donc pas très précis selon moi de dire que le travail social est « dépolitisé », puisqu’il est fondé comme un instrument politique, un instrument d’intervention sur des problèmes sociaux : « le travail social est en soi un acte politique », affirme Maxime ! C’est également ce qu’affirment à leur façon tous les groupes dominants et les dirigeants qui veulent enrôler le travail social dans telle ou telle mission, telle ou telle valeur politico-morale (« laïcité », « cohésion sociale », « citoyenneté »…). L’idée de « dépolitisation » paraît donc a priori totalement contradictoire avec le postulat de base de Maxime : comment une chose qui est « en soi » politique pourrait-elle se « dépolitiser » et avoir besoin d’être « repolitisée » ? On voit se manifester le flou et l’imprécision contenus par la notion de « politique », et on commence à pressentir qu’il ne va pas de soi de revendiquer la nécessité d’une « repolitisation » ! La seconde partie de l’article de Maxime déploie d’autres ambiguïtés de la notion de « politique », et nous permettra d’envisager comment démêler ces difficultés conceptuelles.
- La question de la « conscience politique»
Au vu de ce que j’ai présenté dans les paragraphes précédents, je ne peux qu’approuver Maxime lorsqu’il entame la deuxième partie de son article en disant : « la question n’est donc pas tant de « repolitiser » le travail des éducateurs spécialisés que de contribuer à initier et à développer une conscience politique de l’exercice du métier chez les futurs travailleurs sociaux qualifiés ». Maxime a bien pressenti le problème qu’il y a à parler de « repolitisation » d’une chose « en soi » politique. Mais, l’affirmation selon laquelle « la question n’est pas donc pas tant de « repolitiser » le travail des éducateurs spécialisés » n’est-elle pas en contradiction ouverte avec le titre de l’article : « Comment repolitiser le travail des éducateurs spécialisés » ? Y-a-t-il eu publicité mensongère pour attirer les fougueux adeptes de la « repolitisation » ? Ou le raisonnement de Maxime glisse-t-il lui-même sur l’ambiguïté du concept de « politique »…? Quoiqu’il en soit, je ne peux qu’être d’accord avec l’idée selon laquelle il faudrait réfléchir avec d’autres notions que celle, ambiguë et paradoxale, de « repolitisation » :
« Le métier d’éducateur spécialisé a toujours été inscrit dans des contextes politiques particuliers, liés à l’histoire du travail social et déterminant ainsi des formes d’engagement, et parfois de luttes, spécifiques. L’héritage cumulé de ces formes d’engagement constitue ainsi un véritable patrimoine politique et idéologique pour la profession. Le travail de l’éducateur spécialisé ne me semble donc pas s’être brusquement « dépolitisé » (…) Aussi, à vouloir absolument « repolitiser » le travail social, l’on court peut-être le risque de céder à une forme de prosélytisme politique, au regret du « bon vieux temps » militant des années 1968, voire, à une forme de nostalgie « réactionnaire » qui nous ramènerait au temps de Vichy ou à celui des œuvres de bienfaisance ».
À l’aide d’exemples tirés de sa pratique de formateur en I.R.T.S., Maxime va donc expliquer, tout au long de la seconde partie de son article, qu’il lui incombe plutôt de travailler la « conscience politique » des futurs éducateurs et éducatrices, comme il l’annonce dans l’extrait restitué ci-dessus, et comme il le détaille clairement dans différents autres passages :
« Pour nous, formateurs en travail social, il me semble que l’enjeu principal est de faire saisir aux éducateurs la nécessité d’une prise de conscience des contextes politiques dans lesquels s’inscrit l’exercice de leur métier. En clair, il s’agit d’amener les étudiants à se poser la question de leur rôle individuel et collectif au sein de la cité, de leur contribution à ses affaires. Il s’agit bien d’une question d’engagement politique et non d’une question d’éthique »
La « conscience politique » peut être définie comme la conscience que devraient avoir les éducateurs et éducatrices du fait qu’ils et elles contribuent aux « affaires de la cité », ou, autrement dit, conscience de la place occupée dans le contexte politique. Il y a cependant à nouveau un risque de confusion entre la question de la « conscience politique » et celle de « l’engagement politique » : pour être plus clair, ne faudrait-il pas plutôt parler de l’implication politique[9], ou encore du « rôle politique », comme le fait Maxime un peu plus bas dans son texte ? Ces deux formulations me semblent plus claires que celle d’« engagement politique », qui, elle, laisse penser que la dimension politique de la profession dépend de la volonté des professionnel.le.s, alors que, comme nous l’avons vu ci-dessus, si chaque travailleur ou travailleuse sociale a une petite marge de manœuvre dans la façon d’incarner son rôle (rôle « en soi » politique), le script de ce rôle et la scène sur laquelle il se joue sont conçus avant tout par les groupes qui dominent les appareils d’État, les institutions, les réglementations, et qui instrumentalisent politiquement le travail social. N’oublions pas qu’être « engagé » est synonyme d’être « recruté ». Pour les travailleuses et travailleurs sociaux, être « engagé politiquement » peut donc aussi et surtout signifier être recruté pour effectuer un travail « en soi » politique.
- Confusions entre « conscience politique», « engagement politique » et idéologie
Il me paraît donc important de bien distinguer la « conscience politique » de la notion d’« engagement politique », au risque de perpétuer l’ambigüité contenue par la notion de « politique », comme le fait Maxime un peu loin dans son texte, en parlant du centre de formation où il travaillait à l’époque :
« Nous restons, pour un temps encore, partiellement maîtres de la coloration et des tendances idéologiques que nous souhaitons défendre au sein d’un enseignement. Bien entendu, nous ne manquons pas de recruter nos intervenants parmi les membres de nos réseaux, très souvent militants et toujours fortement engagés politiquement sur les questions de société ».
L’ambigüité se manifeste à nouveau clairement ici : si « le travail social est en soi un acte politique », comme disait Maxime, cela doit impliquer qu’être travailleur social c’est agir politiquement, c’est-à-dire agir dans « les affaires de la Cité », c’est donc être forcément « engagé » – y compris et surtout au sens de « recruté » – politiquement. On pourrait donc dire que la remarque de Maxime selon laquelle ses collègues et lui recrutent des gens « fortement engagés politiquement sur les questions de société » est incompréhensible car après tout comme nous l’avons vu ce ne sont pas les professionnel.le.s qui décident de leur « engagement politique », chacun est « engagé », recruté, instrumentalisé, politiquement par les groupes dominants !
Au-delà de cette apparente contradiction, l’affirmation de Maxime semble en fait signifier que ses collègues et lui recrutent des gens qui sont fortement conscients du rôle du travail social dans les « questions de société », des gens qui ont réfléchi, ont pris du recul, se sont questionnés et ont essayé de peaufiner leur « conscience politique », et assument leurs positionnements. Mais alors, on touche ici à une autre limite des concepts de « politique », de « politisation » et d’« engagement politique », qui nous replonge dans une grande confusion. En effet, rechercher une « conscience politique » plus aiguisée dans le cadre des recrutements n’indique pas, en soi, le type d’idéologie qu’auront ces intervenants. Christophe Itier par exemple est un célèbre ancien collègue de l’Association de La Sauvegarde du Nord ayant poussé le développement de sa « conscience politique » et de son « engagement » jusqu’à militer pour Macron, qui l’a nommé Haut-Commissaire à l’Économie sociale et solidaire et à l’Innovation sociale. Les intervenants recrutés par Maxime et ses collègues doivent-ils être caractérisés par ce type de conscience et d’engagement politiques promouvant les rêveries d’entrepreneuriat social et de start-up innovantes propres à La République En Marché ? Cette question est bien entendu une provoc’ et j’imagine bien que Maxime et ses collègues ne cherchent pas forcément ce genre de « conscience politique » dans les recrutements des formateurs et formatrices.
On peut multiplier les exemples plus ou moins absurdes pour montrer comme les différentes significations du concept de « politique » peuvent vite nous faire tomber dans une grande confusion, surtout à travers l’utilisation de la notion d’« engagement politique » pour parler de la façon dont les travailleurs et travailleuses sociaux jouent leur « rôle politique ». « Politique » peut renvoyer à une généralité, à l’implication commune dans les « affaires de la Cité ». En ce sens effectivement « le travail social est en soi un acte politique ». Mais « politique » peut aussi renvoyer à son contraire : « la coloration » et « les tendances idéologiques », comme dit Maxime, aux valeurs et engagements partisans, pour ne pas dire simplement politiciens, c’est-à-dire à la vision du monde (ou Weltanschauung, comme disent les amis allemands). Une vision du monde, ou idéologie, est toujours partiale, partielle, et implique une prise de position ou une lutte pour la défendre : un militantisme. Dans ce sens-là, il est aberrant de dire que « le travail social est en soi un acte politique », au sens de « politicien », « partisan », « idéologique », bref : militant ! Le travail social n’est pas militant, c’est avant tout un univers professionnel.
Les collègues acquis à « l’esprit du capitalisme » entrepreneurial et qui souhaiteraient l’importer dans le travail social à la façon des « entrepreneurs sociaux » ne peuvent pas être accusés de n’avoir pas développé de conscience du contexte politique, qui est celui d’une marchandisation généralisée ! Ils et elles sont mêmes à la pointe de la conscience politique et ont un tas d’idées pour transformer, adapter le travail social, l’instrumentaliser politiquement… J’imagine que ce type de « conscience politique », n’est, pas plus que l’idéologie républicaine promue sous le quinquennat de Hollande, le genre d’« engagement politique » que recherchent Maxime et ses collègues ou plus généralement, tous les camarades appelant à la « repolitisation » ! Si le travail social est en soi un acte politique, peut-on considérer qu’il est en soi un acte militant ? Militant pour qui, pour quoi, selon quels principes ? En ce sens, le développement de la « conscience politique », s’il n’est pas accompagné d’un travail sur la vision du monde, sur la position idéologique, partisane, ne peut fournir de réponses claires et tenables.
- Conclusion de la 2ème partie : qui peut prétendre faire du Social sans prendre position ?
En parallèle du développement de la « conscience politique », c’est-à-dire la conscience du contexte général dans lequel les éducateurs et éducatrices interviennent, il y a donc la nécessité de construire une vision du monde, affirmer et défendre des valeurs spécifiques, car la prise de conscience du rôle du travail social dans le contexte politique est un entre-deux qui en soi n’empêche pas que surgissent des monstres – pour paraphraser Gramsci. Par exemple, concrètement, prendre conscience que nous sommes indirectement au service de la grande bourgeoisie capitaliste, ne pourrait-il pas amener certain.e.s à se sentir autorisés à se laisser aller à leurs envies de faire du profit avec le « pognon de dingue » qu’il y a dans le Social ? Quant à moi je sais bien par expérience que montrer aux collègues que nous sommes instrumentalisés dans des politiques sécuritaires et des logiques gestionnaires peut ne déclencher chez certain.e.s, en guise de « conscience politique », qu’un fatalisme un peu mou : « c’est les financeurs qui imposent ça, Jonathan, on ne peut pas aller contre… », m’ont répondu des collègues lorsque j’ai signalé que les outils de fichage nominatifs que nos patrons voulaient nous imposer étaient contraires aux principes de notre métier éducatif. Vouloir amener des étudiants et des collègues à questionner leur fonction politique mais sans apporter comme réponse un système de valeurs, une vision du monde, claire et assumée, ne fait pas disparaître la possibilité qu’ils et elles n’adoptent des positionnements idéologiques réactionnaires, fatalistes, capitalistes, autoritaires, racistes, complotistes, misogynes, intégristes, etc. Ces différentes formes de conscientisation et de « positionnement politique » existent dans le travail social ! Pourtant elles ne me semblent pas faire avancer la cause de l’émancipation d’un millimètre.
Qui peut donc trancher quel est le bon « positionnement politique », quelle est la bonne « conscience politique » dans le travail social ? Peut-on faire de la propagande ou du prosélytisme en criant notre propre vision du monde sur tous les toits et en s’engueulant avec les étudiants et collègues qui ne pensent pas comme nous ou en embrigadant celles et ceux qui sont en quête de sens ? Comment faire émerger une conscience de quoique ce soit sans en influencer soi-même le contenu, la vision du monde qu’on voudrait en voir découler ? Comment penser un travail « en soi » politique sans adopter des positions partisanes, une vision du monde bien située ? Comment échapper à la fois à la neutralité castratrice et à la propagande aliénante ? Ce paradoxe dans lequel nous met le concept de « politique » fait jaillir de nombreuses et complexes questions : quelle attitude adopter face à l’État et la bureaucratie, face au système économique et à la mondialisation, face aux conflits politiciens et militants, face à l’exploitation et l’aliénation par le salariat, face à la destruction de l’environnement par le capitalisme ? Quelle attitude face aux métiers du sexe, à la toxicomanie, aux violences policières, à l’immigration dite « clandestine » ? Comment être sûr que les valeurs qui fondent la vision du monde que nous voudrions transmettre sont les bonnes ? Comment déterminer la vision du monde adéquate pour un travail social émancipateur ? Et d’abord : qu’est-ce que l’émancipation à laquelle peut contribuer le travail social, au fond ? Quel travail social voulons-nous ? Qui peut trancher ces questions ?
- CONCLUSION GÉNÉRALE : ÉMANCIPATION ET DÉMOCRATISATION
L’article de Maxime permet de soulever des questionnements foisonnants et fondamentaux sur la conception d’un travail social porteur de perspectives émancipatrices. Voici les premières conclusions et réflexions auxquelles je suis parvenu après sa lecture, et quelques jours de travail.
On le voit bien, la notion de « politique » imprime sa profonde ambigüité aux concepts et raisonnements qu’elle touche, et il faut constamment faire des efforts de précision des significations auxquelles on pense quand on l’emploie. On a vu que le travail social est en soi politique car il intervient dans les affaires de la Cité, mais qu’en même temps il n’a rien de politique car les travailleurs et travailleuses sociaux, en tant que corps professionnel, ne sont officiellement et collectivement inscrits dans aucune sorte de vision du monde ni de « doctrine », et sur le terrain ils et elles ne sont pas des militants politiques. On a vu que les éducateurs et éducatrices étaient positionnés, engagés selon différents paramètres en fonction du contexte politique d’exercice, sans que ce positionnement politique et cet engagement politique ne dépendent d’elles et d’eux puisqu’ils dépendent des groupes sociaux dominants qui instrumentalisent le travail social. Mais on a vu qu’en même temps, en tous temps, de nombreux travailleuses et travailleurs sociaux s’engagent dans leur métier au nom de positionnements idéologiques délibérés : religion, scoutisme, valeurs républicaines, critique Mai-Soixante-Huitarde, entrepreneuriat social… On a vu enfin qu’il était fondamental de développer la conscience politique de tous et toutes, c’est-à-dire amener tout le monde à prendre du recul sur la fonction politique de son métier, mais on a vu aussi que la conscience politique en soi n’est pas garante d’une pratique émancipatrice.
Car, il faut le rappeler, l’enjeu central dans tout ce micmac conceptuel, c’est bien, selon moi, la question de la contribution des travailleuses et travailleurs sociaux aux processus d’émancipation des gens aux côtés desquels ils travaillent. Or, je pense qu’il faut le rappeler, car, de façon assez révélatrice, l’article de Maxime, malgré toute la richesse de ses analyses et ses propositions passionnantes, ne traite quasiment pas de cette question. Il illustre, au contraire, une sorte d’idée reçue, ou plutôt un impensé de la part de beaucoup de collègues et de militants qui exhortent à développer la « politisation » de ceci ou de cela : à l’émancipation de qui exactement est censée contribuer la « repolitisation » ou le développement de la « conscience politique » des professionnel.le.s ? Croit-on vraiment que nous susciterons l’adhésion de nos collègues et étudiant.e.s en leur faisant simplement l’injonction « politisez-vous ! » ? Il me semble que, fatalement, les réflexions qui posent la nécessité de politiser et défendre nos métiers du travail social sont condamnées à des impasses si elles ne posent pas en parallèle (voire en priorité) la question des conditions concrètes de l’émancipation, et donc de la vision du monde dans lequel nous voulons exercer ces métiers du travail social.
Défendre nos métiers pour eux-mêmes expose au risque de la fermeture corporatiste ; attendre que ces métiers soient défendus dans le cadre d’un mythique « État Social » réhabilité revient à se livrer pieds et poings liés aux pouvoirs bureaucratiques qui ont toujours instrumentalisé nos métiers, et contre lesquels se sont battus nos glorieux ancêtres en Mai-68 – car, rappelons-le, l’appareil d’État durant les « Trente Glorieuses » avait beau être appelé « social », il n’empêche qu’il brillait par ses exactions en Indochine et en Afrique, qu’il noyait des Algériens dans la Seine, pénalisait l’avortement, n’autorisait pas le divorce par consentement mutuel et n’a pas reconnu le viol comme un crime avant 1980 ! Ce n’est pas l’appareil d’État en lui-même qui est « social », ce sont les mouvements militants qui l’ont contraint à évoluer. Ainsi, s’il faut se méfier du retour à un mythique « État Social », à l’autre extrême, faire l’hypothèse que les professions sociales puissent être défendues de l’instrumentalisation étatique par les logiques marchandes à travers l’entrepreneuriat social ou le travail social en libéral revient à soigner la peste bureaucratique par le choléra de la course au profit, de la concurrence, voire de l’ubérisation[10].
Autrement dit, pour moi, ce ne sont pas les métiers en eux-mêmes qu’il faut défendre, car ils sont toujours encadrés et contraints, comme tous les métiers. Ce que j’aimerais suggérer, c’est que, pour moi, ce n’est pas en priorité les professions qu’il faut sauvegarder ou renforcer, ce sont surtout les capacités des gens qui les font à contribuer à l’émancipation des gens aux côtés desquels ils et elles travaillent, leurs capacités à contribuer à un progrès social. La question qui se pose de ce fait est donc de savoir comment penser ces contributions à l’émancipation en dehors des notions équivoques, complexes, ambiguës, de « politique » et de « politisation », et à l’intérieur d’un cadre professionnel, généralement salarié donc subordonné ?
Il arrive toujours un moment où pratiques professionnelles et pratiques émancipatrices deviennent incompatibles : nos idéaux sont toujours, à un moment, contrariés et mis en difficulté par le besoin de gagner notre croûte, parce qu’on doit se soumettre à des directives hiérarchiques, à un cadre institutionnel déshumanisé, à des procédures et des rythmes de travail qu’on choisit rarement. Le contexte professionnel, salarial ou pas, nous met tous les jours devant des petits dilemmes dans lesquels agir selon nos idéaux et agir de façon professionnelle sont des choses complètement différentes, voire opposées. Il faut se défaire du fantasme selon lequel les métiers du travail social contribuent en eux-mêmes au progrès social : aucun secteur professionnel ne contribue en lui-même au progrès social, même pas l’hôpital, même pas l’école, même pas les brasseries artisanales indépendantes. Parce qu’en tant que travailleuses et travailleurs – sociaux ou pas – nous sommes tous et toutes en partie pris dans des logiques de division et spécialisation du travail, des logiques d’économie et de marchandisation, des phénomènes d’exploitation et parfois d’aliénation, des devoirs de réserve, de neutralité et de subordination aux chefs, même si ces derniers prennent de mauvaises décisions, ce qui arrive en général lorsqu’ils les prennent sans consulter les salariés.
Parler de « conscience politique » peut être utile pour évoquer la nécessité de se construire une lecture de l’environnement général dans lequel nous devons travailler. Mais cette notion peut paraître abstraite à beaucoup car à la fois vide et complexe, et éloignée des conditions de travail concrètes. L’impression de dépolitisation de notre secteur, pour moi, provient de ce côté abstrait de la notion de « politique », qui la rend généralement aussi difficile à saisir et à utiliser qu’une anguille sous roche, pour beaucoup de collègues. C’est pourquoi en ce qui me concerne je proposerais tout d’abord de la reformuler à travers l’idée d’esprit critique, qui reviendrait à dire et à assumer que nous ne sommes pas uniquement et docilement au service des groupes dominants qui contrôlent les appareils d’État. Certes, les métiers du travail social sont avant tout des emplois, mais nous autres qui exerçons ces métiers, revendiquons une certaine manière de les exercer.
Pour moi en effet, notre principal levier en tant que professionnel.le.s du social, c’est notre pratique concrète, notre façon de travailler à nous individuellement et à nos collègues de notre service. En partant de ces situations concrètes, il me paraît plus facile de réfléchir aux questions abstraites de sens général et de conscience politique, l’inverse moins. Il est donc important de développer une pensée de notre pratique concrète pour nous guider, et pour compléter, si ce n’est dépasser, la notion de « politisation ». Le sens de notre travail social ne viendra pas d’« en-haut » tel une vérité sacrée : c’est à nous, travailleurs et travailleuses de terrain, de le construire par « en bas ». D’autant plus que la pensée de notre pratique concrète, nous en avons déjà certains axes, comme on le voit à travers ce qu’on appelle généralement notre éthique. C’est celle-ci qu’il faut développer, consolider, rendre critique, pour ne plus qu’elle soit réduite au statut d’« éthiquette » récupérable par les centres de formatage professionnel, les technocrates et les managers. Il y a à alimenter une éthique concrète, consciente, délibérée, en ceci assimilable à un militantisme, et qui consisterait à se poser en toutes situations la question : dans l’intérêt de qui suis-je en train d’agir ? À travers la conduite que je vais adopter, suis-je bien au service des gens ou uniquement au service des appareils d’État ou de la croissance économique ? Si je me conforme à telle obligation professionnelle, vais-je vraiment agir dans l’intérêt du public, ou seulement dans le mien, en m’évitant des problèmes avec les chefs ?
Cette éthique, ce militantisme prendrait acte que ce n’est pas la profession en elle-même qui contribue à l’émancipation, mais ce sont nos prises de position délibérées, concrètes, à nous, travailleurs et travailleuses de cette profession. Les appareils d’État prônent un travail social, nous, nous revendiquons la possibilité d’en faire un autre, parfois très différent. En effet, malgré l’encadrement des appareils étatiques, le plus important pour nous n’est-il pas d’être, en dernière analyse, au service du public ? Ne faut-il pas tenir fermement l’idée que nos salaires ne doivent pas être uniquement justifiés par notre contribution aux politiques sociales imaginées dans les ministères, mais par notre activité concrète au service des gens ? Voulons-nous vraiment des félicitations de nos chefs, des allocutions de Manuel Valls, ou des applaudissements d’Emmanuel Macron, si notre travail ne contribue pas à ce que les gens qui y font appel surmontent leurs problèmes, améliorent leur vie ?
Cette prise de position par rapport à nos pratiques concrètes, ce militantisme que j’imagine, prendraient pour fondement l’idée que nous ne sommes pas là uniquement parce que telle réglementation ou telle institution nous l’ordonne, mais aussi et surtout parce que des gens en ont potentiellement besoin en vue d’améliorer leur vie, parce qu’ils ont des demandes, des intérêts concrets auxquels nous pouvons et voulons contribuer. Nous voulons être solidaires des gens et cela peut nécessiter d’aller à l’encontre des institutions et politiques de solidarité. Cette éthique impliquerait donc que la base de l’activité de la travailleuse ou du travailleur social est de permettre aux gens de réfléchir à ce qu’ils auraient besoin d’améliorer dans leur vie, et donc d’exprimer, sous quelle que forme que ce soit, les intérêts propres qu’ils auraient à faire appel à nous. Cette éthique à propos de laquelle je lance la réflexion relève donc d’un militantisme qui n’implique pas de prosélytisme ou de propagande, car il ne s’appuie pas sur une idéologie, mais sur la simple proposition selon laquelle notre travail devrait consister à ce que les gens aux côtés desquels nous travaillons définissent eux-mêmes les conditions de leur émancipation en tant qu’individus et en tant que membres d’un ensemble social. La seule vision du monde promue par ce militantisme est une éthique de la démocratie réelle.
Cette éthique, ce militantisme impliquent que ce sont les intérêts individuels et collectifs des gens à faire appel à nous qui doivent guider et justifier notre présence, en dernière analyse, et que cela doit toujours surpasser, dans la mesure du possible, les contraintes propres au fait que nous agissons dans des contextes professionnels, dans lesquels nous sommes toujours plus ou moins subordonnés, exploités, potentiellement aliénés. Cela implique de garantir dans nos activités les marges de manœuvre nécessaires pour faire émerger l’expression des intérêts individuels et collectifs des gens qui font appel à nous pour améliorer leur vie. Ce militantisme pratique vise donc également à défendre bec et ongles, sur nos lieux de travail, ces marges de manœuvre si elles sont remises en question par le contexte politique et institutionnel. Le militantisme auquel je songe, guidé par une éthique de la démocratie réelle, implique d’aller au-delà de la prise de conscience que nous sommes tous et toutes impliqué.e.s dans les « affaires de la cité ». Il affirmerait et défendrait l’idée que nous travaillons pour que dans ces « affaires de la cité » en question, chacune des personnes que nous accompagnons ait son propre mot à dire, et qu’en vue de soutenir les revendications de ces gens par rapport à leurs propres vies, les travailleurs et travailleuses sociaux ont également leur mot à dire par rapport à leur propre travail, et donc par rapport à leur propre vie matérielle, vu l’engagement que ce travail réclame en termes de temps et d’énergies physiques et psychiques. Une « Cité » dont les puissants bafouent la parole, les conditions matérielles, et donc la vie, d’une partie de la population, et celles de travailleurs et travailleuses qui tentent de la soutenir, ne peut pas être assimilée à une démocratie réelle.
- En guise de synthèse : POUR UNE ÉTHIQUE DE LA DÉMOCRATISATION RÉELLE
Pour résumer, le travail social est un secteur professionnel, institutionnalisé et encadré par les appareils d’État et les politiques publiques qu’ils portent – et donc, indirectement, par les groupes sociaux qui ont le pouvoir d’en influencer le fonctionnement. Il est important d’avoir une lecture de cet environnement, une « conscience politique » de ce cadre professionnel. Mais cela ne fait pas tout, car toute forme de « conscience » est fortement influencée par l’action militante et la pratique professionnelle concrète. Or, il me semble que le principal levier d’action militante du travailleur ou de la travailleuse sociale c’est précisément sa pratique professionnelle concrète, à moins justement de s’extraire du cadre professionnel. J’ai le sentiment qu’on pourrait donc compléter ou dépasser le militantisme idéologique et sa propagande, de même que les injonctions à la « politisation » et à la prise de conscience, en mettant tout autant en valeur ce mode d’action militante que peuvent être les pratiques professionnelles concrètes.
Je vois principalement trois conditions pour faire de la pratique professionnelle concrète un mode d’action militante. La condition première, c’est que ces pratiques doivent amener les gens aux côtés desquels nous travaillons à réaliser et à exprimer l’intérêt qu’ils pourraient avoir, individuellement et collectivement, à faire appel à des travailleuses et travailleurs sociaux. La seconde condition est que nous devons défendre dans nos structures les moyens et les espaces de cette expression, qui se fondent donc avant tout sur nos propres marges d’autonomie. La condition ultime, c’est que les pratiques professionnelles doivent, au final, malgré les contraintes et aléas, contribuer à améliorer la vie des gens qui, d’une façon ou d’une autre, ont exprimé le besoin de travailleuses et travailleurs sociaux.
Ce que je propose donc de tenir à travers cette éthique concrète et ce militantisme, c’est l’idée que notre travail se base sur l’autonomie du public dans l’expression de ses intérêts individuels et collectifs, que nous voudrions servir avant tout ces intérêts, et que cela dépend donc très largement de notre propre autonomie dans nos activités. Les intérêts des professionnel.le.s et du public me semblent donc intimement liés : l’autonomie individuelle et collective des uns et des autres dans leurs expressions et leurs pratiques vont de pair. Au-delà d’une question de « politisation » dont l’abstraction et les différentes significations peuvent mettre en difficulté la réflexion, il s’agit pour moi d’affirmer un militantisme concret, un engagement pratique, prenant l’autonomie individuelle et collective comme moyen et comme fin : il est possible de tirer parti de la « dépolitisation » des idées, en militant pour la démocratisation réelle en pratiques !
- Pour aller plus loin :
Un certain nombre d’entre vous vont probablement se dire qu’ils ne se sentent pas beaucoup plus avancés lorsqu’on leur propose de dépasser les concepts de « politisation » et d’« engagement politique » par celui d’« éthique de la démocratisation réelle », et beaucoup vont se demander : que faire ? Comment démocratiser réellement ? C’est une question que je me pose beaucoup en ce moment, la question de la démocratisation réelle est une recherche en cours, et je devrais prochainement publier des textes et podcasts présentant mes premiers résultats, mais autant vous donner un indice. Les cahiers de doléance, « manifestes du travail social » et autres listes de revendications destinés aux pouvoirs publics, cela a déjà été fait maintes et maintes fois, avec pour objectif de proposer une défendre différentes interprétations de notre travail. Il importe désormais de transformer notre travail, et personne d’autre ne le fera que nous-mêmes. Ainsi, quelque chose qui m’intéresserait beaucoup serait de faire des rassemblements ou collectifs militants et conviviaux, avec pour objectif entre autres de rédiger non pas des manifestes ou des cahiers de doléance, mais plutôt le contraire : comme je pense que tant qu’il y aura de l’humain, il y aura des résistances, alors plutôt rédiger ou enregistrer un répertoire de toutes ces résistances et pratiques militantes, pour mutualiser les bonnes idées, et renforcer les luttes collectives entre collègues, militants, alliés, personnes accompagnées… Pourquoi pas un « guide des bonnes pratiques de résistance et de démocratisation réelle dans le Social » ? Je vous laisse méditer à ces petites idées et vous invite à rester attentifs aux travaux que je diffuserai, car il va de soi que ma proposition militante d’une éthique de la démocratisation réelle ne fonctionnera d’aucune manière si elle n’est pas elle-même alimentée par des pratiques de démocratie réelle, à savoir, par des retours de toute personne intéressée. Portez-vous bien, et à bientôt !
Jonathan
[1] Karl Marx, « Gloses critiques en marge de l’article « Le roi de Prusse et la réforme sociale. Par un prussien« », 1982 [1844], in Œuvres. III. Philosophie, Paris, Editions Gallimard, Coll. « Bibliothèque de la Pléiade », édition présentée et commentée par Maximilien Rubel, p. 415 (souligné par K. Marx)
[2] Louis-Marie Morfaux, 1980, article « Politique », dans Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, Paris, Armand Colin, p. 277
[3] Voir Emmanuel Jovelin (dir.), 2008, Histoire du travail social en Europe, Paris, Vuibert, Collection Perspectives Sociales, p. 187-240.
[4] Rory Truell, 18 juillet 2017, « Castro’s casa : social work lessons from Cuba », The Guardian, en ligne.
[5] Voir Henri Pascal, 2014, Histoire du travail social, Rennes, Presses de l’EHESP, p. 11 et suivantes.
[6] Dans la France actuelle, les intérêts religieux peuvent véritablement participer à l’instrumentalisation du travail social comme on l’a vu de manière flagrante avec la nomination en 2016 au Haut Conseil du Travail Social de Christine Boutin, présidente d’honneur du Parti Chrétien Démocrate.
[7] Dans un rapport publié en 2018 et portant sur différents travaux publiés depuis 2015, l’Inspection générale des affaires sociales elle-même pointait la perpétuation d’une « crise » de l’accompagnement social.
[8] Yves Faucoup, 6 juin 2016, « Le travail social, dans quel état ? », en ligne.
[9] J’ai moi-même utilisé cette expression à une époque – pas si lointaine – où j’adhérais au crédo de la « repolitisation », comme je l’exprimais dans le premier « podcast » audio Sons Rouges et Noirs que j’aie bricolé avec le soutien de feu la webradio Le Trottoir d’à Côté.
[10] Jonathan Louli, 2020, « Le travail social indépendant : libération ou libéralisation ? », dans Les Cahiers de l’Actif, n°524/525, p. 159-184 (à paraître)
[…] la conclusion à laquelle je suis parvenu à la fin d’une longue réflexion autour de la notion de politique et de politisation du travail social publiée sur mon bl…, à partir de la lecture de l’article de Maxime Chaffote « Comment repolitiser le travail des […]
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