Depuis le début de la présidence de F. Hollande, le secteur du travail social et de l’action médico-sociale a connu plusieurs mobilisations nationales liées à des réformes récentes (gratification des stages), projets de réforme (refonte des diplômes du travail social, atteintes à la Convention collective 66), ou dynamiques institutionnelles (notamment le processus des Etats Généraux du Travail social).
Cet article vise à présenter chronologiquement les principales dates de la mobilisation, à travers quelques ressources web qui permettent de mieux situer les enjeux de ces mobilisations, ainsi que de suivre l’actualité des mouvements.
L’article est présenté chronologiquement et mis à jour régulièrement. Si vous avez connaissance d’une ressource pertinente (vidéo, son, article, discours…) qui serait manquante dans cette liste, n’hésitez pas à laisser un commentaire.
Jonathan
Dernière mise à jour : 26/09/2015
Avant tout, quelques sources générales :
– Dossier très complet de l’ANAS sur le projet de refonte des diplômes
– Article d’analyse des mobilisations de travailleurs sociaux depuis 2012 que j’ai publié sur le site Terrains de Luttes
– Le blog de la section DASES du SUPAP-FSU, qui fourmille d’articles denses et engagés sur le travail social (notamment en Île-de-France). [ DASES = Direction de l’Action Sociale de l’Enfance et de la Santé du Département de Paris ; SUPAP = Syndicat Unitaire des Personnels des Administrations Parisiennes ; FSU = Fédération Syndicale Unitaire (voir le site du SUPAP-FSU) ]
2012 :
Un collectif de professionnels lance le Manifeste pour le travail social à destination des candidats à la présidentielle : lien vers la pétition et le Manifeste. Le Manifeste en appelle à des Etats Généraux du Travail Social.
2013 :
Janvier : le gouvernement a semblé attentif aux revendications : son Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale propose de « Refonder le travail social » : Site du Ministère des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits des Femmes
Juillet : la loi Fioraso du 22 juillet 2013, relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, a pour effet, entre autres, d’étendre, aux administrations publiques et à la quasi-intégralité des structures accueillant des étudiants travailleurs sociaux en stage de plus de deux mois, l’obligation de verser à ces derniers une indemnité mensuelle. Même si cela constitue en soi une avancée, du fait des difficultés budgétaires rencontrées par le secteur, cette obligation de rémunérer les stagiaires met ces derniers face à de grandes difficultés pour trouver des stages, comme l’illustre un article diffusé sur le site de l’Institut Régional de Travail Social (IRTS) de Montrouge/Neuilly-sur-Marne.
Pendant une partie de l’année 2013, des organisations professionnelles avertissent sur les risques que comporte cette réforme Fioraso par rapport aux formations en travail social, comme le présente un point réalisé sur le site de l’Association des Collectifs Enfants Parents Professionnels (ACEPP). Le mouvement étudiant commence à s’agiter pour lui aussi faire entendre son inquiétude, comme l’observent certains médias (La Croix, Ouest France) ; ce faisant, il acquiert le soutien de certaines organisations syndicales, comme SUD-Santé Sociaux, la CGT, et l’UNEF. Parallèlement, d’autres organisations professionnelles et syndicales réclament la tenue des Etats Généraux du Travail Social (EGTS) mais demeurent sur leurs gardes et cherchent à faire remonter les revendications des professionnels, autour d’un nouveau Manifeste, comme le relatent La Gazette des Communes, et un communiqué intersyndical de décembre.
Source : Le Parisien, octobre 2013
2014 :
Premier semestre : Alors que se tiennent les assises régionales qui préparent les EGTS, l’Association Nationale des Assistants de Service Social (ANAS), dénonce, dans un communiqué de février, l’absence de concertation dans l’organisation et les échanges, et leur rythme à « marche forcée ». Le mouvement étudiant, quant à lui, se structure davantage encore : des collectifs voient le jour à Nantes, à Montrouge, ainsi que des collectifs nationaux tels le Collectif Solidarité Travailleurs Sociaux (page Facebook) ou le Mouvement National des Etudiants en Travail Social (page Facebook). Des syndicats étudiants réaffirment leur soutien au mouvement des étudiants en travail social, comme l’UNEF, dans un communiqué d’octobre, ou SUD-Santé Sociaux, dans un communiqué de décembre.
Le début de l’année 2014 est également marqué par le lancement du collectif Avenir’Educs, qui veut réaffirmer un « projet de société » global pour le travail social, permettant à ce dernier de maintenir une pratique clinique favorisant un lien social émancipateur. Parallèlement, Avenir’Educs et d’autres organisations professionnelles lancent la pétition Travail social : participons à l’avenir de nos métiers (lien vers la pétition).
Juillet : la loi Khirouni du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires permet de s’attaquer à certains problèmes mais est loin de régler la question des attributions budgétaires nécessaires pour les établissements accueillant des stagiaires.
Fin 2014 : Fort de la structuration en réseaux de plusieurs collectifs, organisations professionnelles et syndicales, le rapport de force généré par les travailleurs sociaux s’affermit. De nombreuses rencontres et débats sont organisés partout en France, notamment la journée Debout pour nos métiers à Paris, qui rassemble plusieurs centaines de personnes. Alors que certains, comme l’Organisation Nationale des Educateurs Spécialisés (ONES) ou ATD-Quart Monde, cherchent à alimenter davantage le débat sur le travail social en produisant de nouveaux manifestes, le mouvement des travailleurs sociaux et étudiants aboutit à une grande manifestation, le 12 décembre 2014 (appel interorganisationnel et intersyndical à la manifestation), au mot d’ordre de : « On ne gère pas l’autre, on l’accompagne ».
Malgré la mobilisation, la Commission Professionnelle Consultative du travail social (CPC) valide le projet de refonte des diplômes du travail social proposé par un groupe de travail interne depuis un moment. La CPC est une instance à fonction consultative sur les questions de formations, placée auprès du Ministère des affaires sociales, et formée par dix représentants de syndicats employeurs, dix représentants de syndicats de salariés, dix représentants ministériels, dix représentants d’institutions qualifiées, comme l’indique lesite ministériel. La validation du projet de réforme des diplômes par la CPC fait peser un risque réel d’uniformisation des formations, puisque la diversité des diplômes de travail social existant seraient refondus autour d’un tronc commun, et répartis par niveaux de qualification.
2015 :
Janvier : la journée du 22 janvier 2015 connaît à nouveau une large mobilisation des professionnels et de leurs soutiens, et marque l’approfondissement d’une dynamique de convergence des luttes puisque mouvement étudiant et mouvement de professionnels s’organisent ensemble, comme le relaie l’ANAS dans un communiqué. « La mobilisation s’amplifie » comme l’observe Jacques Trémintin dans Lien Social (n°1164).
Février : les cinq groupes de travail préparatoires des EGTS rendent leurs rapports à Marisol Touraine, Ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, et Claudy Lebreton, Président de l’Assemblée des départements de France (rapports accessibles sur le site ministériel). La discussion sur ces rapports est proprement « plombée » par la colère des professionnels quant aux projets de réforme des formations, comme le titre la Gazette des Communes. S. Neuville est contrainte de reconnaître, dans une réunion publique, que les suggestions de la CPC sont excessives. Certains continuent de dénoncer cette réforme préparée en « huis clos », commeAlternative Libertaire.
Févier toujours, le Comité National de Liaison des Acteurs de la Prévention Spécialisée (CNLAPS) publie un communiqué d’alerte sur la situation inquiétante de la prévention spécialisée : malgré plusieurs appels incantatoires de la part des pouvoirs publics, on constate une mise en cause de l’intervention de la prévention spécialisée dans plusieurs départements, comme le relèvent TSA-Quotidien ou encore Rue89. Cependant, comme je l’ai signalé dans un autre texte, tant que les éducateurs ne s’occuperont pas de politique, c’est la politique qui s’occupera d’eux.
Mars : Dans un communiqué commun, la CGT et FO dénoncent elles aussi « une mise en cause fondamentale des qualifications et des fonctions des travailleurs sociaux » à travers l’ensemble des rapports préparatoires des EGTS remis le mois précédent.
Dans ce contexte plutôt tendu, en mars, un éducateur est assassiné, à Nantes, dans l’exercice de ses fonctions. Ce drame émeut le secteur, beaucoup se posent des questions sur les dysfonctionnements institutionnels qui en sont à l’origine, comme l’ancien président de l’ANAS, Didier Dubasque, sur son site personnel ; plusieurs syndicats appellent également à manifester à Nantes quelques semaines plus tard, comme le relaie Ouest France. La CGT publie un communiqué de presse tirant le bilan de la mobilisation. Un article de Jacques Trémintin paru dans Lien Social et posté sur son site personnel, présente une chronologie synthétique du mouvement de protestation contre le projet de refonte des diplômes jusqu’en avril.
Avril – Mai – Juin : une multitude de conflits locaux secouent le secteur du travail social ; comme au 115 de Seine-Saint-Denis, puis à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) de Seine-Saint-Denis, puis à l’ASE de Paris, et à l’ASE de Haute-Garonne, comme le relate un article de la revue Convergences Révolutionnaires. On apprend en mai que la mairie de Paris prévoit de fermer le Centre Educatif et de Formation Professionnelle de Pontourny. Les établissements de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris entrent également dans un conflit long et difficile contre le « plan Hirsch ». Le mois de mai est véritablement parsemé de conflits comme le relève la section DASES du SUPAP-FSU dans une chronique. Le site REZO Travail Social lance lui aussi en avril une section sur son forum recensant les mobilisations en cours. En juin, un collectif de travailleurs du secteur de la psychiatrie infanto-juvénile de Seine-Saint-Denis lance un signal d’alarme sur la dégradation des conditions d’accueil du jeune public.
Toujours dans la même période, le mouvement étudiant continue à s’activer autour des mêmes causes qu’il y a au moins deux ans, comme le pointe La Gazette des Communes.
25 juin 2015 : à l’apogée de ces dynamiques qui ont été crescendo depuis 2013, plusieurs organisations professionnelles et syndicales ont lancé des appels à une mobilisation nationale le 25 juin, qui se trouve relayé et détaillé sur le blog du DASES-SUPAP-FSU. La mobilisation a été accompagnée, peu avant, par la diffusion d’une lettre ouverte aux autorités, signée par divers chercheurs, formateurs, militants, professionnels…
Le 25 juin 2015 avait été choisi car ce jour-là, en plus d’une discussion sur la réforme des formations au Ministère des Affaires sociales, se tenait une réunion des deux principaux syndicats employeurs, qui, en annonçant leur fusion, remettaient en cause la Convention collective 66, dont dépend une grande partie des établissements socioéducatifs, comme l’explique Lien Social (en ligne), et comme le dénonce également un communiqué intersyndical du début du mois. La CGT Action Sociale dénonce, dans un tract de 4 pages, une libéralisation des conditions d’emploi et de travail, pour les établissements dépendant de la CCNT66, similaire à la politique que mène le MEDEF dans le privé marchand. Par ailleurs, un site recensant les débats relatifs à la CCNT66 depuis quelques années se trouve particulièrement actif et mobilisé par l’actualité intense depuis 2014.
Quoiqu’il en soit on peut lire des interviews de manifestants du 25 juin dans le n°3 de la revue Rezo, animée par des membres de SUD-Santé Sociaux 93. Le blog du DASES-SUPAP-FSU a proposé une revue de presse du mouvement qui montre que celui-ci est passé relativement inaperçu par les grands médias. Cependant, la mobilisation de plusieurs milliers de personnes dans toute la France a amené la Secrétaire d’Etat Neuville à recevoir une délégation intersyndicale, qui a fait observer dans un communiqué que le gouvernement se voulait « rassurant » avant tout, et que le ministère restait de toute façon assez sceptique sur les préconisations de la CPC, comme le suggère également TSA Quotidien.
Le gouvernement a également annoncé que les prochains rendez-vous auraient lieu en septembre et surtout en octobre 2015, où devraient enfin se tenir les EGTS, et où seraient rendues les conclusions des travaux de la députée socialiste du Pas-de-Calais Brigitte Bourguignon sur les « évolutions possibles de l’architecture des diplômes » (site ministériel). Ces annonces ainsi que les vacances estivales semblent avoir fait légèrement retomber la mobilisation.
On peut imaginer qu’à la rentrée, la lutte reprendra donc de plus belle, comme le suggère Avenir’Educ dans un beau texte du début du mois de juillet ; une vigilance sera à avoir quant à l’avancée des EGTS, aux projets relatifs à la Convention collective 66, aux formations de travailleurs sociaux. Mais il sera également à produire un effort supplémentaire dans la convergence des luttes locales vers un front global des travailleurs sociaux et médico-sociaux. Il n’y a d’ailleurs pas de vacances pour la lutte sociale puisque, comme le relaie également le collectif Avenir’Educ sur son blog, la mairie de Paris a décidé de fermer la bibliothèque de Chaligny, la dernière grande bibliothèque parisienne destinée au travail social – il est, au passage, question de détruire toute une partie des livres, dont la municipalité ne sait pas quoi faire. Encore un symbole fort adressé aux travailleurs sociaux de la part du pouvoir…
Septembre : Le 2 septembre, la députée du Pas-de-Calais Brigitte Bourguignon rend au Premier ministre son rapport intitulé « Reconnaître et valoriser le travail social« . Comme le rapporte un article de TSA Quotidien Manuel Valls, ainsi que Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, Ségolène Neuville, Secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion, et Brigitte Bourguignon, auteure du rapport, s’expriment alors à propos de l’avenir du travail social et du processus des EGTS. On peut télécharger le rapport ainsi que les discours à l’adresse suivante. A cette occasion, Manuel Valls demande à Marisol Touraine et à Ségolène Neuville d’élaborer un plan d’action pour le travail social à partir des propositions contenues dans le rapport, ce qui passe par la mise en place d’ateliers de réflexion qui se tiennent en septembre et octobre, comme le relate Didier Dubasque sur son blog.
Concernant le rapport Bourguignon, certains observateurs s’estiment rassurés par la teneur du texte, qui fait mine d’écarter le projet de réforme générale des formations, d’accéder à certaines revendications des professionnels, et de poser des questions intéressantes (sur la définition du travail social, sur le projet politique, sur la formation et l’accueil de stagiaires…). L’ANAS souligne dans un communiqué le « soulagement » et les « attentes » que génère ce rapport. Sur son blog, la section DASES du SUPAP-FSU propose, quant elle, un résumé au regard aiguisé du rapport, soulignant les apports et les ambivalences du travail de la députée, et les nombreuses questions qui restent en suspens.
La mobilisation continue tant que les décisions gouvernementales n’auront pas été arrêtées, et que n’auront pas été levées les inquiétudes encore générées par le rapport Bourguignon et les discours officiels de septembre. Avenir’Educs, toujours sur la brèche, a dores et déjà annoncé le lancement d’Etats Généraux Alternatifs du Travail Social, avec le soutien de plusieurs syndicats du secteur. La journée du 16 octobre devrait donc constituer un autre temps fort de la mobilisation, comme le suggère le pré-programme publié sur le site du collectif.
[…] [1] Pour une chronologie détaillée des évènements et une recension des diverses ressources web, voir la chronique suivante : https://pagesrougesetnoires.wordpress.com/2015/07/17/mobilisations-de-travailleurs-sociaux-le/ […]
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